Transposition par l'Horloger de la Croix-Rousse du volume 8 page 306 colonne de gauche de l'encyclopédie de Diderot et d'Alembert
Je n’entends donc pas ici par l’Horlogerie, ainsi qu’on le fait communément, le métier d’exécuter machinalement des montres et des pendules, comme on les a vu faire, et sans savoir sur quoi cela est fondé ; ce sont les fonctions du manœuvre : mais disposer une machine d’après les principes, d’après les lois du mouvement, en employant les moyens les plus simples et les plus solides ; c’est l’ouvrage de l’homme de génie. Lors donc que l’on voudra former un artiste horloger qui puisse devenir célèbre ; il faut premièrement sonder sa disposition naturelle, et lui apprendre ensuite le mécanique, etc. Nous allons entrer dans le détail de ce qu’il nous parait devoir lui servir de guide.
On lui fera voir quelques machines dont on lui expliquera les effets : comment, par exemple, on mesure le temps ; comment les roues agissent les unes sur les autres ; comment on multiplie les nombres de leurs révolutions ; d’après ces premières notions, on lui fera sentir la nécessité de savoir le calcul pour trouver les révolutions de chaque roue ; d’être géomètre pour déterminer les courbures des dents ; mécanicien pour trouver les forces qu’il faut appliquer à la machine pour la faire mouvoir, et artiste pour mettre en exécution les principes et les règles que ces sciences prescrivent ; d’après cela on le fera étudier en même temps les machines et les sciences qu’il devra connaitre, ayant attention de ne faire entrer dans ces connaissances la main d’œuvre que comme l’accessoire.
Quand il sera question des régulateurs des pendules et des montres, il faudra lui en expliquer en gros les propriétés générales ; comment on peut parvenir à les construire tels, qu’ils donnent la plus grande justesse, de quoi cela est dépendant ; de la nécessité de connaitre comment les fluides résistent aux corps en mouvement ; de l’obstacle qu’ils opposent à la justesse ; comment on peut rendre cette justesse la plus grande possible ; de l’étude sur les frottements de l’air ; comment on peut rendre cette résistance la moindre possible ; du frottement qui résulte du mouvement des corps qui se meuvent les uns sur les autres ; quels effets il en résulte pour les machines ; de la manière de réduire ces frottements à la moindre quantité possible ; on lui fera remarquer les différentes propriétés des métaux ; les effets de la chaleur ; comment elle tend à les dilater, et le froid à les condenser ; de l’obstacle qui en résulte pour la justesse des machines qui mesurent le temps ; des moyens de prévenir les écarts qu’ils occasionnent, de l’utilité de la Physique pour ces différentes choses, etc. Après l’avoir ainsi amené par gradation, on lui donnera une notion des machines qui imitent les effets des planètes. En lui faisant seul sentir la beauté de ces machines, on lui fera voir la nécessité d’avoir quelque notion d’Astronomie ; c’est ainsi que les machines même serviront à lui faire aimer cet art, que les sciences qu’il apprendra lui paraîtront d’autant moins pénibles, qu’il en connaîtra l’absolue nécessité, et celle de joindre à ces connaissances la main d’œuvre, afin de pouvoir exécuter ses machines d’après les règles que prescrit la théorie.
Quant à l’exécution, il me parait convenable qu’il commence par celle des pendules qui sont plus faciles à cause de la grandeur des pièces, et qui permet encore l’avantage d’exécuter toutes sortes d’effets et compositions.
La grande variété que l’on se permet, accoutume aussi l’esprit à voir les machines en grand ; d’ailleurs quant à la pratique même, il y a de certaines précisions que l’on ne connait que dans la pendule, et qui pourraient cependant s’appliquer aux montres.